Ce lundi 6 mai 2024 coïncide exactement avec les 3 ans de l’instauration de l’état de siège par Félix Tshisekedi. C’était en 2021 que l’ordonnance du chef de l’Etat avait été promulguée, mettant ainsi le Nord-Kivu et l’Ituri dans un régime exceptionnel, pour, disait-on, lutter contre l’activisme des groupes armés.
Cependant, comme point n’est plus besoin de le rappeler, la mesure a déjà été tournée en bourrique par l’action des milices. Pourtant, dès le départ, des voix s’élevaient pour demander au gouvernement congolais de recadrer le tir étant donné les faibles résultats de la mesure. Mai, peine perdue. La voix de la population tombait fraîchement dans les oreilles des sourds. Le chef de l’Etat ne voulait pas leur prêter cette oreille là.
À Kinshasa et dans certains coins du pays, les partisans du régime qualifiaient les ressortissants de l’est d’anti-état de siège, d’anti-Tshisekedi. Ils ont même été soupçonnés de travailler de connivence avec l’ennemi pour faire échouer le pouvoir. Ils ont été qualifiés de tous les noms d’oiseaux. Mais, comme le temps est le meilleur allié de l’homme et de la vérité, les cartes ont déjà bougé et les analyses sont déjà dans un sens tout comme dans un autre.
L’action du Rwanda aux couleurs du M23 a finalement déjà changé la donne. Contrairement à ce que Jules Alingete, Inspecteur général des finances et bras droit de Tshisekedi, déclarait en 2022 devant des investisseurs étrangers à Houston, aux USA, que la guerre se passait à plus de 2000 kms des institutions et à plus de 600 kms du chef-lieu du Nord-Kivu, les faits sur le terrain ont déjà démontré une autre réalité.
Car, c’est à la porte de Goma que les rebelles ont engagé les hostilités. À une vingtaine de kilomètres seulement. Et pourtant, c’est ici le siège des institutions provinciales. La ville où tout se décide sous la houlette des autorités militaires de l’état de siège. Conduit aujourd’hui par le général Peter Cirimwami, l’état de siège inspirait confiance. Confiée entre les mains d’un si haut gradé de l’armée, la population s’attendait à l’amélioration de la situation. Aujourd’hui, l’ennemi s’est métamorphosé et agit près de la capitale provinciale. Certains analystes craignent déjà que Goma retombe entre les mains des rebelles alors qu’en plein état de siège.
Par ailleurs, dans le Masisi, le même ennemi avance et toque aux portes du Sud-Kivu. Après avoir conquis Rubaya puis Bitonga la semaine qui s’est achevée, le M23 avance vers l’autre province où des bombes sont même tombées dans l’agglomération de Minova.
Félix Tshisekedi doit tirer toutes les conséquences
Au regard de la dégradation de la situation, les autorités congolaises doivent arrêter de feindre et de minimiser les faits. Elles doivent forcément reconnaître avoir échoué de ce côté. La menace est grande et la réponse doit être proportionnelle.
« Quand une mesure exceptionnelle dure longtemps, elle cesse de l’être, elle se normalise et la population s’y habitue », déclaraient déjà les députés provinciaux du Nord-Kivu dans une correspondance adressée au chef de l’État en février 2022.
A ce stade, alors que l’état de siège a déjà perdu toute sa saveur, Kinshasa doit penser à une nouvelle voie de sortie. Ancien vice-président de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu, l’ex-député Jean-Paul Lumbulumbu préconisait déjà que cette mesure soit seulement concentrée dans les zones les plus insécurisées afin que tous les moyens logistiques, financiers et même humains soient déployés sur place avec la possibilité d’étouffer l’ennemi. D’autres suggéraient le remplacement de l’état de siège par l’état d’urgence sécuritaire, etc
Mais, en un mot comme en mille, l’état de siège a plus été une tracasserie contre des civils plutôt qu’être une solution. Elle n’a réussi à éradiquer aucun groupe armé mais a assisté impuissamment à la résurgence du M23 ainsi que d’autres milices.
Trois ans après, on note que les responsables de l’état de siège installés dans les territoires de Masisi et Rutshuru ont déjà fui les entités sous leur administration à cause de la présence de la rébellion. Cependant, en dépit de ce bilan, Félix Tshisekedi continue de maintenir la situation telle quelle, affirmant même que l’état de siège était la voie appropriée pour restaurer la paix dans l’est.
Charles Mapinduzi