On le craignait. Mieux, on le savait. On savait, en effet, que Koffi Olomide ne s’en sortira jamais indemne. Car, depuis l’avènement de Félix Tshisekedi à la tête du pays, tout Congolais qui dit et pense le contraire de ce que veut la caste au pouvoir est de fait un ennemi de l’État qui doit être traité en tant que tel.
Depuis, de nombreux innocents croupissent dans des geôles de Kinshasa selon que de simples rumeurs les ont accusés d’être des anti-régime ou des collaborateurs du M23. Et, Koffi Olomide qui n’a jamais sa langue en poche est peut-être le prochain citoyen à être derrière les barreaux.
Après ses propos sur la RTNC, propos qui ne sont pourtant pas flagrants mais interpellateurs, la star de Quartier latin a été convoqué par la justice. Peu avant, c’est le CSAC qui l’a invité dans ses locaux pour être entendu.
Dans une correspondance consultée par Partisan-rdc.net, le procureur général près la Cour de cassation invite Koffi à ses bureau sans en dire plus, même si, comme on peut le soupçonner, cela ne pourrait être relatif qu’à l’émission que la star a réalisée.
« J’ai l’honneur de vous inviter à vous présenter à l’office de monsieur le procureur général près la Cour de cassation le lundi 15 juillet à 11h, pour des faits dont connaissance vous sera communiquée », a-t-on lu.
Tout cela, parce qu’Olomide a eu l’audace de dire tout haut ce que la plupart des Congolais disent tout bas au sujet de la guerre que le M23 imposé à la République dans le Nord-Kivu.
Dans une émission à la Radio-télé nationale (RTNC), rappelons-le, émission au cours de laquelle il est revenu sur la situation sécuritaire, Olomide a vertement décrié la méthode Tshisekedi pour se défaire du M23. Allusion faite aux trèves et cessez-le-feu injustifiés et souvent prolongés alors que l’ennemi contrôle 4 des 6 territoires que compte le Nord-Kivu.
Pour Koffi, à ce stade, il est impossible de dire que le Congo est en guerre si à chaque fois qu’il n’intervient, c’est en défensive, jamais à la contre-offensive. Puis, dans la foulée, il se plaint des conditions inacceptables réservées à l’armée congolaise sur la ligne de front.
« Il n’y a pas de guerre. Nous sommes tapés, on fait de nous ce qu’on veut. J’ai vu des camions de ces gens là qui viennent tranquillement, paisiblement, il n’y a personne pour les empêcher. Et, j’ai vu, nos soldats vont à motos au front pour aller combattre. J’ai eu des larmes. Il n’y a pas de guerre. La guerre, c’est quand tu tires, je tire », dit-il, tout en se demandant pourquoi le ministre de la Défense a été changé si tout allait déjà bien sur le terrain.
Koffi Olomide s’est visiblement montré réaliste. Les faits sur le terrain lui donnent pleinement raison. En effet, depuis la prise de Bunagana par le M23 le 13 juin 2022 jusqu’aux récentes conquêtes en territoire de Lubero, les troupes congolaises n’ont jamais reconquis aucune localité passée entre les mains des rebelles, voici 2 ans.
Sur la ligne de front, les FARDC sont constamment en attente et ne réagissent que si le M23 lance les hostilités. Les exemples sont légions. Et, c’est d’ailleurs cela qui irrite constamment les forces vives dans la contrée.
Aujourd’hui, sur les collines surplombant la cité de Sake, à une vingtaine de kms de la ville de Goma, l’armée et les rebelles sont distants de quelques kilomètres seulement. Depuis des mois, les FARDC n’ont lancé aucune opération de reconquête. La même situation est vécue à Kibumba, à une trentaine de kms de Goma.
Aussi, avant la prise de Kanyabayonga en fin juin dernier, les forces loyalistes étaient en attente jusqu’à ce que les assaillants aient décidé de venir attaquer et occuper le lieu. Peu avant, entre décembre 2022 et décembre 2023, la présence de l’EAC sur le sol congolais a imposé une trêve d’un an alors que c’est la RDC qui devrait déloger l’ennemi de son territoire. Ce qui a permis au M23 de se reconstituer largement.
Acteurs politiques et sociaux du Nord-Kivu se plaignent ainsi de l’inaction des FARDC face aux rebelles et estiment que cela favorise l’avancée du M23 sur le terrain. En plus, on note des conditions difficiles dans lesquelles les FARDC travaillent, parfois sans nourriture et équipements.
A moins que Kinshasa décide de changer la donne, comme le dit Koffi Olomide, le Congo ne semble pas en guerre et il est difficile de gagner contre l’agresseur sous le format actuel de la situation.
Charles Mapinduzi