Jusqu’ici, en plus de son encrage et son aura sur le territoire national, le fondateur de l’UNC était au dessus de la mêlée dans son Sud-Kivu natal. Ni Bahati Lukwebo, ni Aimé Boji Sangara, mois encore Bitakwira ni même d’autres ne l’arrivaient à la cheville. Sans battre campagne, Vital Kamerhe sortait toujours meilleur élu de Bukavu avec plus de voix que tous les élus de la République aux législatives nationales en 2018. Ce qui faisait de lui le leader incontesté et incontestable du Sud-Kivu.
Mais, d’où provient donc la disgrâce du ministre congolais de l’économie ? En effet, arrivé jeudi 7 septembre dernier à Bukavu, contrairement à ses séjours précédents, Vital Kamerhe n’a pas réussi à drainer des foules. Un signal fort pour celui qui était le seigneur de la place de l’indépendance, ce rond-point mythique de Bukavu que n’importe qui n’ose défier. Des commentateurs vont même jusqu’à parler d’un véritable fiasco et d’un désaveu du leader du parti rouge-blanc.
Pas seulement, car, si l’on s’en tient à une vidéo qui a envahi les réseaux sociaux, le cortège de VK a même été hué par un groupe de Sud-Kivutiens. Une première dans l’histoire de Bukavu, même si les partisans de Vital Kamerhe parlent d’une manipulation orchestrée par des proches de Bahati Lukwebo pour discréditer leur autorité morale.
Pour nombre d’analystes, l’ex-président de l’Assemblée nationale est victime de ses propres choix. En 2006, il appelle à voter massivement pour Joseph Kabila. Mais, quelques années seulement, il se détache de lui et le combat dans les urnes en 2011.
En 2016, alors que l’opposition est liguée pour faire plier l’ancien président, VK s’engage en solo dans des négociations politiques qui permettront une rallonge à Joseph Kabila. En 2018, au moment de se choisir un candidat commun de l’opposition pour faire face à l’ancienne mouvance au pouvoir, le FCC, le natif de Walungu se retire de la procédure pour se déclarer candidat à la présidentielle avant de se rallier à Félix Tshisekedi au sein de la coalition CACH.
Nommé directeur de cabinet de l’actuel chef de l’Etat dès début 2019, au lieu d’être premier ministre selon l’esprit des accords CACH, en 2020, Vital Kamerhe tombe en disgrâce avec le régime qui l’accuse d’avoir détourné plusieurs millions de dollars alloués au programme présidentiel dit des 100 jours. Ses partisans l’appellent alors à désavouer Félix Tshisekedi et à rejoindre l’opposition politique mais en vain.
Libéré de prison 2 ans après, sans remords ni regret, l’ancien speaker de la Chambre basse se rattache davantage au chef de l’Etat qu’il choisit par la suite comme candidat à la prochaine présidentielle alors que des Congolais au Sud-Kivu estiment que Félix Tshisekedi devrait payer pour n’avoir pas honoré ses promesses de campagne, allusion faite au bilan quinquennal du régime.
Ces jours, nombreux reprochent également à Kamerhe le fait de n’avoir rien fait pour sa province, son Walungu natal étant resté un village misérable en dépit de ses nombreuses années passées dans les arcanes du pouvoir à Kinshasa. On pointe du doigt le ministre de l’économie pour s’être marié à Hamida Shatur qu’on soupçonne de « diriger » l’ancien dircab.
Au propre comme au figuré, au regard de ce qui s’est passé le jeudi dernier à Bukavu, son fief naturel, en plus de son âge qui avance, Vital Kamerhe semble peu à peu devenir une page qui se tourne et une histoire au passé. A moins que les prochaines élections tranchent en prouvant le contraire.
Charles Mapinduzi