L’avenir politique de la République démocratique du Congo est autant imprévisible qu’incertaine à l’horizon décembre 2023, mois électoral. Alors que quelques semaines nous séparent encore des scrutins, les faits et les gestes des acteurs sociaux de la vie nationale en disent presque déjà long sur la suite des événements. Peu à peu, s’installent les frustrations, les inquiétudes, les craintes et les suspicions.
Sans équivoque, des ambitieux, par eux-mêmes ou à travers leurs lieutenants, prennent déjà position en annonçant leur intention de briguer la présidence : Adolph Muzito, Matata Ponyo, Firmin Yangambi, Moïse Katumbi, Delly Sesanga, Denis Mukwege et tout naturellement Félix Tshisekedi, etc., ces figures de proue de la politique congolaise qui s’impatientent de tenter leur chance de diriger ce géant endormi. Ce qui, à tord ou à raison, sous-tend mille et une raisons pour les uns et les autres de s’épier du coin de l’œil bien avant même la grand-messe prévue en décembre.
Pendant ce temps, entre le régime et l’opposition ou les forces vives, la méfiance s’accroît. Ces derniers soupçonnent le pouvoir en place de comploter et de boutiquer pour mettre dans sa poche le processus électoral. Ils indexent entre autres la CENI et la justice de ne pas jouer franc-jeu et de rouler pour les dirigeants actuels. Des manifestations sont même projetées pour ramener Kinshasa au droit chemin.
Par ailleurs, certains suspectent les Tshisekedistes de concocter un plan ourdi pour mettre à l’écart les probables challengers crédibles du chef de l’Etat en activant, soit les instances judiciaires, soit la Commission électorale ou encore en se basant sur des motifs politiquement justifiés.
Au sein de l’Union sacrée elle-même, ça bouillonne. Pourtant, très compacte il y a un an, la coalition formée autour de Félix Tshisekedi enregistre de plus en plus des fissures. À l’intérieur, une guerre fratricide est d’ores et déjà lancée. Certains se plaignent de la megestion de la chose publique et de la trahison du serment prêté, celui de servir le peuple. Ils ne se privent même plus de manifester le vœu de quitter la barque USN.
Au même moment, comme jamais auparavant, la fibre tribale s’enracine dans certaines parties du territoire national. Katangais et Kasaïens n’émettent plus sur une même longueur d’ondes et l’attachement commun à la patrie cède place à l’inimitié. Dans la province cuprifère, par exemple, ça craint. L’afflux massif des compatriotes venant du centre du pays ne fait qu’envenimer la situation. De l’autre côté, des Kasaiens et des ressortissants du Bandundu se lancent la salive. Et, dans l’Est, les massacres poursuivent leur bonhomme de chemin sous l’oeil impuissant du pouvoir public. Les populations locales accusent Kinshasa de les avoir sciemment abandonnées.
Un mauvais présage !
Tous ces faits réunis, pour une République démocratique du Congo encore fragile sur le plan politique et sécuritaire, en plus d’être une jeune démocratie, présagent un lendemain inédit. Au lieu que les prochaines élections soient un vrai exercice démocratique comme voulu par la loi fondamentale, on redoute des tirs croisés entre parties prenantes. La menace est grande, le tissu qui unit les Congolais risque d’être mis en mal à cause des tendances ainsi que l’appartenance à une ethnie, une famille politique, une zone géographique différente, etc. Clairvoyant, Germain Kapinga tire la sonnette d’alarme pour que les Congolais recadrent le tir avant le pire.
« Le climat politique, le débat public, tout est à l’outrance, à l’extrémisme .Qu’est-ce que cela présage pour notre pays ? La RDC doit se ressaisir. Le climat de campagne électorale s’annonce irrespirable et la démocratie dans sa noble vocation de système de développement va en pâtir. La conscience citoyenne est poussée à son paroxysme au point où tout le monde, sinon la majorité des gens font la politique. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le pays. Nous, élite politique, avons donc échoué, sinon nous aurions plus de vocation vers l’entreprenariat », suggère le président du parti le Centre.
Le passé éclaire le présent et le présent prépare l’avenir, scandent régulièrement les historiens. Au Congo Kinshasa, l’avant ou l’après élections est toujours tumultueux. De 2006 à 2018 en passant par 2011, les 3 scrutins ont enregistré des troubles dans certains coins du pays allant jusqu’à coûter la vie à des compatriotes. Avant décembre 2023, avec leur destin en mains, les Congolais ont donc un choix à opérer en s’inspirant du passé.
Charles Mapinduzi