Après avoir commémoré les 64 ans des émeutes qui avaient éclaté au stade des Martyrs de Kinshasa après que les autorités coloniales avaient interdit aux membres du parti ABAKO de Kasavubu de manifester pour obtenir notamment l’indépendance du pays, la République démocratique du Congo s’est également souvenue, le dimanche 30 juin 2024, de son accession à sa souveraineté nationale et internationale, 64 ans après.
On se souvient que le 4 janvier 1959, après une répression très violente, la métropole avait officiellement dressé un bilan de 49 morts et des centaines de blessés. Les manifestants, eux, avaient plutôt parlé d’une centaine de victimes fauchées. Ces Congolais avaient payé de leur sueur et de leur sang pour permettre à la RDC d’acquérir son indépendance. D’ailleurs, quelque mois seulement après, soit le 30 juin 1960, Bruxelles avait été contraint de se retirer du sol congolais afin que les autochtones président à leur propre destinée.
64 ans après, ceux qui ont pris la révèle ont-ils réussi à sauvegarder les acquis de cette bataille? Les Martyrs seraient-ils fiers s’ils se retournaient dans leurs tombes?
Sans nul doute, ces questions vont leur pesant d’or. Car, ceux qui ont sacrifié leur vie pour sortir le pays du joug colonial sont en droit de demander des comptes. Leur sang ne doit avoir pas été versé pour rien. Comme le soutient Mazzini, les idées croissent vite quand elles sont arrosées par le sang des martyrs. Aujourd’hui, plus de 64 ans après, a-t-on gardé la flamme allumée ? Est-on resté sur la ligne tracée par les Pères fondateurs de la nation?
Après le départ du colon, les nouveaux affranchis ont pris les rênes du pays en contrôlant tous les secteurs de la vie nationale. Cependant, le pays peine toujours à sortir du ghetto. En dépit de ressources naturelles que regorge le Congo, la RDC demeure au bas de l’échelle parmi les États les plus reculés et les plus pauvres de la planète. Ses revenus profitent encore largement à une minorité, aux pays voisins ou encore aux multinationales. La pauvreté s’est encrée. Les querelles intestines, les divisions ségrégationnistes autour d’importantes questions nationales se sont enchaînées.
Même face à un combat commun, l’adversité l’emporte toujours sur le vivre-ensemble et la cohésion. Tous les efforts de ceux qui ont milité pour la souveraineté du pays s’effritent à l’autel d’intérêts partisans. Même face aux défis sécuritaires, socio-économiques, les Congolais sont restés divisés plus que jamais : les opposants par ici, les tenants du pouvoir par là, les nantis et les démunis par ailleurs, etc. Au lieu de travailler à un avenir commun, des compatriotes font du mercenariat, préferant vendre le pays aux étrangers.
À ce sujet, les exemples sont légions : des groupes armés locaux et même étrangers qui déstabilisent la nation sont bourrés de citoyens du pays, eux qui combattent leur propre État. Sur le plan économique, des fonds alloués aux projets d’intérêt commun sont détournés sans ménagement par ceux qui sont sensés apporter le changement. De sorte qu’aujourd’hui, certains d’entre les Congolais sont devenus plus riches que la République elle-même.
Rusées, les multinationales en profitent largement à travers un retour aux bercails : le néocolonialisme. Et, de la propre faute de Congolais eux-mêmes, les anciennes métropoles y trouvent du goût à développer les théories proposées bien des années par Willy Lintz : la théorie de la division entre les colonisés afin qu’ils n’aient pas la possibilité de se construire. Ensuite, la théorie d’amener le colonisé à ne jamais avoir confiance en lui afin qu’il recourt toujours aux services du Blanc. Enfin, la théorie de quitter les colonies en y installant des Blancs à peau noire, ceux qui seront exclusivement au service de l’Occident, plutôt qu’à celui de leur peuple.
Au regard de ce tableau, on réalise que le pays n’a pas avancé d’un seul iota. La situation stagne depuis plus de 60 ans. Les maux décriés depuis des décennies sont restés les maîtres mots de la gouvernance de l’Etat jusqu’à ces jours. Le combat mené par les Pères fondateurs tarde à être honoré par ceux qui ont pris la relève. En un mot comme en mille, ces Martyrs ne seraient pas fiers de leurs descendants s’ils décidaient de revenir d’entre les morts.
Charles Mapinduzi