Avait-on déshabillé Saint-Paul pour habiller Saint-Pierre? C’est la grande question qui taraude les esprits des Congolais au regard de l’état du pays.
Il est à la tête de la République démocratique du Congo depuis bientôt 5 ans après y avoir accédé au milieu de persistantes contestations électorales et dans des conditions émaillées de nombreux soupçons. Lui qui incarnait l’espoir et le changement au sommet de l’Etat est en train de déserter l’idéal.
Issu de l’Union pour la démocratie et le progrès social, parti historique d’opposition, Félix Tshisekedi tarde à devenir l’image et le couronnement du combat acharné mené par les pères fondateurs de l’UDPS dont Étienne Tshisekedi, son père.
Déjà, frustré, un de 13 parlementaires co-fondateur de la formation politique d’où provient le nouveau président se plaignait à travers une réaction désespérée :
« L’UDPS n’a pas été fondée pour s’enrichir. Elle a été fondée par les 13 parlementaires dont son papa qui n’a pas volé pour devenir riche. L’UDPS que nous avions conçue n’était pas dans le sens d’opérer des prébendes ou d’avoir des carrés miniers. Nous avons conçu l’UDPS au service du peuple et pour le bonheur de ce dernier. Un homme d’État ne s’enrichit pas au dépens de son peuple. Il est celui qui consacre sa vie pour le bonheur de ses concitoyens. Il faudra que le président se ressaisisse », réagissait, il y a des semaines, à travers une vidéo, Paul Kapika qui désapprouve la gouvernance actuelle du pays.
Décidément, Félix Tshisekedi n’est pas celui-là que la RDC attendait. Lui qui a pourtant été pétri par la main de son défunt père, critiquant les dérives dictatoriales qui ont ruiné l’avenir du Congo, en est devenu un fervent irréprochable. Le combat mené 37 ans durant est jeté à l’eau en moins de cinq ans et tous les espoirs suscités par le mythique slogan « le peuple d’abord » ont été brisés à l’autel d’intérêts égoïstes et partisans.
On rappelera que Félix Tshisekedi a dénoncé les arrestations et les matraques qui ont visé les opposants sous Mobutu et Kabila. De ces jours, l’opinion lui rappelle les incarcérations politiques de certaines figures dont Salomon Kalonda, Stanis Bujakera Tshamala, Jean-Marc Kabund, Mike Mukebayi, Barnabé Milinganyo, pour ne citer que ceux-là.
Par ailleurs, les opposants lui brandissent ces poursuites judiciaires parfois injustifiées contre ses adversaires comme Matata Ponyo ou encore des démarches tendant à écarter des candidats sérieux, à l’instar de Moïse Katumbi. Malheureusement, à toutes ces tentatives de rappel à l’ordre, le président congolais ne s’est pas privé de trancher qu’il n’avait aucune leçon de démocratie à recevoir de qui que ce soit.
Dans un autre chapitre, le clientélisme, l’amateurisme ainsi que les malversations et les détournements contre lesquels il a manifesté, le fils du sphinx semble en avoir fait son cheval de bataille : enrichissement illicite par ici, trafic d’influence par là, le peuple laissé-pour-compte.
Il y a cinq ans, le 5e président était vent debout pour combattre son prédécesseur sur des questions électorales. Aujourd’hui, sous son règne, alors que de terribles soupçons pèsent sur le processus électoral, Félix Tshisekedi a décidé de fermer aussi bien les yeux que les oreilles, faisant ainsi planer des doutes sur ses vraies intentions de donner au pays de bonnes élections.
En un mot comme en mille, le chef de l’Etat est sur les traces de ses prédécesseurs. En cinq ans, il a réussi à être ce que Mobutu a été en 32 ans et Kabila, en 18 ans. Peut-être est-ce même pour cela qu’une certaine opinion soutient qu’il ne lui faut pas un autre mandat, au risque de précipiter l’Etat congolais dans l’abîme.
Charles Mapinduzi